Le peureux

La peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d'un danger ou d'une menace. On associe souvent la peur à un manque de courage, mais j'ai appris sur un site web que le grand responsable de la peur était notre mémoire.

En effet, nous mémorisons toutes les situations vécues et chacune d’elles est classée dans notre cerveau. Alors, on veut reproduire les situations qui donnent du plaisir et on ne veut plus vivre les situations qui font souffrir.

Mais qu'en est-il du cas des Africains ? Est-ce que cette théorie de la mémoire s'applique à nous ?

Je me suis maintes fois posée la question parce que d’une façon générale, tous les Africains vous diront qu'ils très sont courageux. Ils ont laissé leur Afrique adorée pour venir se perdre dans les méandres de l'Occident et cela prend une bonne dose de courage. C'est vrai pour certains, mais d'autres ont juste été parachutés ici par leurs parents, soucieux de leur offrir un avenir meilleur.

Cependant, je ne parle pas de ce genre de courage. Je parle de notre peur sans mémoire. Je ne sais pas si c'est dû aux gènes de l'esclavage que nous avons mémorisés comme douleur chronique, mais vraiment, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez nous.

Par exemple, mettez-vous à courir dans la rue, comme s'il y avait un danger imminent. Tous les Africains présents vont se mettre à courir, eux aussi. Pourtant, ils n'ont rien vu ni rien entendu, mais ils courent ! Plus tard, ils chercheront à comprendre ce qui s'est réellement passé. Bon, je comprends un peu cette réaction, car chez nous, nos parents nous disent toujours : "si tu vois quelqu'un courir, cours aussi. Le reste, tu vas le demander après!"

En tout cas, hier, j'ai su par son prof d'éducation physique et sportive, que fille était une vraie femme africaine. Il m'a affirmé que toutes classes de secondaire confondues (collège), elle était la meilleure sprinteuse. J'étais si fière d’elle que je me suis dis que mon éducation portait ses fruits, comme celle de mes parents à l’époque : cours ma fille, cours ... !

Quand vous me lisez et que je parle de notre peur,  je suis certaine que des images, des faits vécus, vous viennent à l’esprit. Je ne parle pas de la fois où vous vous êtes fait poursuivre par un chien galeux ou par un mouton en furie, non je parle de cette peur sans substance.  Nous savons tous que le pourquoi de ce défilé imagé est simple : l'Africain est peureux !

Wow, wow, wow ! Calmez-vous, svp. Par exemple, lorsqu'il y a une bagarre dans une boîte de nuit à Montréal, la plupart des Africains quittent les lieux du crime plus vite que l'éclair. En plus d'avoir peur des conséquences (on ne t'a pas envoyé au Canada pour ça), on ne sait pas qui a ses papiers et qui ne les a pas. Donc les histoires où l'on risque un contrôle de police, très peu pour nous, merci !

Il en est de même au parc d'attractions. Combien de noir voyez-vous dans les manèges à sensation forte ? On se dit : "mais et si ça se bloque en haut là-bas ? Si le harnais de sécurité s'ouvre ?"

Franchement ! Bien sûr, qu'il y a des accidents, mais combien par an ?

En parlant de manège ... Un été, un de mes frères est venu me rendre visite. Je décris le bonhomme : métis, grand, 1m85, costaud, 90kg et surtout mignon. Pour ce dernier point, on s'en fout un peu, car ça ne change rien à l'histoire, mais j'en rajoute parce que c'est mon frère et en vous disant qu'il est beau, vous pourriez éventuellement déduire que je le suis aussi, même si le rêve est permis.

Bref, nous décidons d'aller, en famille, à un célèbre parc d'attractions. J'avoue que j'y vais uniquement pour les sensations fortes. Pourtant, j'ai peur et j'ai tellement peur que j'ai un fou rire nerveux alors tout le monde pense que je maîtrise la situation, s'ils savaient .... Je suis la plus grande des peureuses, mais j’ai peur avec classe, quoi !

Nous sommes dans la queue à attendre notre tour. Il y a tellement de monde ce jour-là, que nous avons le temps de parler de nos émotions d'avant manège, j'ai le temps de me dilater la rate à cause de mon stress, mais évidemment mon frère ne s'en doute pas. Je le sens fébrile, en sueur, le sourire jaune, le regard hagard. Je sens que mon gars n'est pas bien, mais il ne dit rien. Lui aussi fait ça avec style. Alors, de mon côté, je fais semblant de ne rien voir jusqu'au moment où nous nous asseyons dans le manège et que le harnais de sécurité se ferme. Là, il me tient fort la main et dit :

- Je veux descendre !

Alors là, mon frère, trop tard. L'affaire a déjà démarré ! Je vous jure que j'ai complètement oublié ma propre peur, tellement il m'a fait peur. Sincèrement, si vous l'aviez entendu crier, une vraie fillette, il a serré ma main d’une manière que je criais encore plus fort que lui, mais pas pour les mêmes raisons. En tout cas, souvenez-vous de son physique de gars costaud ... sans commentaire !

Honnêtement, combien d'Africains sautent en parachute ?

Combien sautent à l'élastique ?

Combien font du parapente ?

Combien tentent d'être pilotes d'un jour ?

Combien d'entre nous nageons dans le grand bassin de la piscine, là où nous n’avons pas pied ou pire, la tête sous l’eau ? Je ne parlerai même pas de nager avec les gentils dauphins, raies ou requins?

Alors, dites-moi, à quels évènements désagréables notre mémoire fait-elle appel, lorsqu'il s'agit de ce type d'activités que nous n’avons jamais essayé ? Quelqu’un est-il déjà tombé d’un manège ? Un requin nous a-t-il déjà mangés ? Pourtant nous sommes courageux, n’est-ce pas ?!

De toutes les manières, lorsque j'invite des amis à faire ce genre de chose avec moi, les réponses sont claires :

- Moi, ma grand-mère n'est pas blanche ...

- Et pourquoi faire, pourquoi tant de haine ... ?

- Même si on me paie ... ?

- Et si je meurs ... ? 

- Un coup je tombe ... ?

- Et si je me noie ... ?

- Pardon, je suis trop jeune pour ça, j'ai encore une vie à vivre…

- Non, merci, ça va aller ... !

Je ne rentrerai même pas dans les histoires de sorcellerie parce que là, c’est pire. À cause de la peur du mauvais œil, on n’ose pas dire que l’on part en voyage, que nos enfants vont à l’étranger, qu’on a un nouveau boulot, que nous avons les moyens de notre politique et j’en passe. Un jour, nous y reviendrons, c'est sûr !

Avec toutes nos craintes, lorsqu'effectivement, un accident ou un malheur survient, toute la communauté est unanime : "ça fait pitié, mais qui l'a envoyé, c'est lui-même qui a cherché !"

Alors, mes frères et sœurs, soyons peureux en chœur !!

Tous les lieux, personnages, situations, présentés dans ce texte  sont imaginaires ! Absolument imaginaires ! Aucun rapport avec aucune réalité ! Ce n'est là qu'une "Féérie" ... et encore ... pour une autre fois !