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Mon Afrique à MOI !

Le voleur volé

Un ami, m'a raconté une histoire aussi incroyable que drôle et à mon tour, j'espère vous la raconter en essayant, le plus possible, de rester fidèle à son récit. Mais, avant d'aller plus loin, je dois encore réitérer le fait que le pouvoir ne doit pas se retrouver entre les mains de n'importe qui parce qu'à force d'en abuser, on finit toujours par se faire avoir

En tant qu'Africains, nous pouvons affirmer que la corruption gangrène nos pays. C'est un fléau extrêmement difficile à éradiquer tant il est ancré dans nos mœurs. Les policiers et les douaniers sont les premiers à mettre en pratique le concept de marketing direct en rackettant tout ce qui semble respirer ou avoir une âme, sans distinction d'âge, ni de sexe.

Pour les besoins de la cause, appelons mon ami Jason. Jason, était un jeune Africain qui vivait depuis quelques années Ô Canada et ...

Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi est-ce que vous faites cette tête ? Jason ne fait pas africain, c'est ça ? Mais, je vis en Amérique du Nord, non ? Alors, si je veux américaniser mon histoire, ça vous fait quoi ? Vous aimez trop ça ! Bon, ok ! Kouadio, ça vous semble approprié ? Je vois bien que oui. D'accord, va pour Kouadio alors.

Un été, Kouadio me dit qu'il doit se rendre au pays parce qu'il a décidé de faire du commerce en vendant des vêtements qu'il achèterait au Canada, qu'il revendrait par la suite au pays. Il était excité comme un enfant à la veille de Noël. Une fois ses valises faites, il s'est rendu compte qu'il aurait un excédent de bagages à payer. Qu'à cela ne tienne, il était prêt. Avec toutes les commandes qu'il avait déjà reçues, son retour sur investissement était assuré alors jusque-là, tout allait bien.

Pourtant, autre chose le tracassait. Il savait que traverser le poste de douane une fois sur place ne serait pas une mince affaire. À l'époque, il paraît que ça a changé maintenant, la fouille des bagages par ces douaniers du marketing était un véritable moment de torture dont le stress était ressenti des jours avant votre arrivée à destination. Il savait déjà que là-bas, trois options s'offriraient à lui :

 

1 - Glisser quelques billets de banque dans son passeport, ainsi le douanier se servirait sans que personne ne s'en aperçoive.

2 - Refuser de payer la dîme au risque de voir ses marchandises confisquées. Dans ce cas, il serait contraint de payer le prix fort pour les dédouaner.

3 - Laisser le douanier choisir un ou deux items parmi ses marchandises. Ce dernier sera heureux d'avoir quelque chose de neuf venant d'ailleurs alors il lui lâcherait certainement les baskets pour le reste.

 

Malgré tout, il n’avait pas d’autre choix que d’y aller alors, lorsque l'hôtesse de l'air a annoncé que l'avion amorçait sa descente sur la capitale, mon gars a commencé à transpirer, son cœur s'est mis à danser dans sa poitrine, ses intestins couraient dans son ventre et ses mains étaient devenues moites. Certains disent ressentir quelques-unes de ces sensations quand ils se rendent dans une destination tropicale à cause de l'air ambiant qui se réchauffe. Mais, Kouadio lui, pensait à ses bagages et aux douaniers.

Une fois dans la file d'attente, il se dit qu'il pourrait utiliser son joker mais à quoi bon, le douanier, n'était ni blanc, ni Canadien, alors ça ne marcherait pas. Après tout, il était un Homme avec un grand H. Il devrait donc pouvoir affronter sa peur dignement.

Il présente enfin son passeport au douanier. Celui-ci regarde la photo du passeport, regarde Kouadio. Retourne le titre de voyage, lit dessus "Passeport Canada". Il regarde à nouveau la photo, puis mon ami. Tellement son cœur battait vite, il l'a entendu se suicider en se décrochant pour tomber dans son ventre. Il transpirait à grosses gouttes. C'est alors que le douanier lui dit :

- Est-ce que tu es Canadien ?

 

Est-ce que c'était une question piège ? Qu'est-ce que le douanier voulait qu'il lui réponde ? Bien franchement, comment quelqu'un, qui tenait entre ses mains un titre de voyage où il était inscrit "Passeport Canada" avec sa photo dessus, pouvait lui demander s'il était Canadien ? Ou alors c'était à cause de son physique d'homme africain donc difficile de croire qu'il était un digne fils du village du père Noël.

- Oui, monsieur, balbutia-t-il. Oui, je suis Canadien de Montréal.

 

C'est alors que le douanier décroche son téléphone de service, compose un numéro et dit à son interlocuteur :

- J'en ai attrapé un. Il est en face de moi. Prépare les affaires, j'arrive avec lui.

 

Là, il lève les yeux vers Kouadio, un petit sourire en coin :

- Canadien ? De Montréal même ? Ah ! C'est bien ça. Suis-moi !

- Seigneur, je suis foutu, se disait Kouadio à lui-même, grand peureux de son état. Des Canadiens sont peut-être recherchés. Quel crime ont-ils bien pu commettre. Ils vont me frapper dans un coin ou m'emprisonner en plus de garder ma marchandise. J'y ai mis toutes mes économies. Mais qu’est-ce qui m'a pris de lui dire que j'étais de Montréal. Qui m'a envoyé ? Toi, on te demande si tu es Canadien sous forme de question fermée dont la réponse la plus simple est oui ou non et toi, tu t'étales ! Voilà, maintenant ils vont me coincer ici. Si quelqu'un serre mon cou dans ce couloir, c'est ni vu ni connu. Eh Dieu ! Pardon, aide-moi. Je jure que je ne vais plus jamais coller mon chewing-gum sous les bancs de l'église. Si je sors vivant d'ici, je promets de prier tous les jours. La prochaine fois que ma copine me demandera quelque chose, je promets de le lui donner. En plus, le douanier a gardé mon passeport. Je suis mort dans le scénario ...

 

En suivant le douanier dans ce labyrinthe de l'aéroport où toutes les portes se ressemblaient, mon ami avait le tournis, la nausée, des sueurs froides tellement il avait peur. C'est alors qu'ils arrivent dans une pièce. Un endroit exigu où il n’y avait qu'une table et une chaise. Un spot lumineux au-dessus de cette seule place assise. Un vrai décor de film policier, une sorte de salle d'interrogatoire. Le douanier qui l’escortait demande à Kouadio de s'asseoir prenant soin d'arrêter le ventilateur plafonnier qui jusque-là était en marche avant de sortir et de le laisser seul, livré à lui-même. Bref, tout pour le stresser au maximum.

Mon ami était trempé de la tête au pied. Il savait que son jour était arrivé parce qu'il les entendait parler derrière la porte. Ils murmuraient des phrases inaudibles et subitement, un autre douanier arrive, suivi d'un second, puis d’une troisième. L’un d’eux lui demande :

- Alors, c'est toi le Canadien ?

- Comment ça, c’est moi ? Moi, qui ? Moi comment ? Se murmurait Kouadio.

 

C'est à cet instant que deux autres douaniers ont pénétré dans la salle avec celui qui l'avait accompagné jusqu'ici. Ils l’encerclèrent et l'un d'eux a déposé sur la table un objet qui semblait être une boîte à chaussure. Oui, oui, c'était bien ça, une boîte à chaussure. Alors, il regarde Kouadio, l'ouvre et lui demande :

- Mon frère, ça là, c'est quoi ? C'est de l’argent non ? Tous les jeunes Canadiens qui viennent ici  en vacances nous donnent ça. Mais quand on va à la banque, on nous dit qu'on ne peut pas nous échanger ça en devises locales. Quand on va au magasin, les commerçants, qui habituellement, acceptent les euros et les dollars américains, nous disent que ça là, ils ne prennent pas. Donc comme toi tu es Canadien, il faut nous dire ce que c'est !

Kouadio s'approche, regarde à l'intérieur de la boîte qui était pleine à craquer de billets Canadian Tire et il éclate de rire. Tout son stress était passé. Il riait aux larmes.

Mais, pour vous aider à comprendre sa réaction, regardez les billets de banque américains. Ils se ressemblent tous, du même vert, d’où leur appellation de Billet vert. Seules leurs valeurs monétaires changent et tout le monde connaît le dollar américain.

 

us$

Regardez maintenant les dollars canadiens. Une monnaie arc-en-ciel dans laquelle chaque billet à une couleur différente et cette devise est encore méconnue de tous.

monnaie cad

 

Maintenant, observez les billets Canadian Tire. Ils ressemblent étrangement aux dollars canadiens de par leurs différentes couleurs. Mais la nuance est que ces billets sont en fait, des coupons de réduction offerts par une grande chaîne de magasins bien connue ici, appelée Canadian Tire, sans vouloir leur faire de publicité.

canadian tire

Donc, Kouadio venait de comprendre qu’à chaque fois que des jeunes gens venaient du Canada, ils refilaient les coupons de réduction de ce grand magasin en guise de bakchich à ces douaniers d’un autre type. Il avait beau essayer de leur expliquer le subterfuge, rien n’y faisait. Tout ce qui leur importait, c’était de se débarrasser de ces billets encombrants. Il y en a même un qui lui a proposé de faire le change, puisque de toutes les façons, il allait retourner au Canada. Chose que Kouadio s’est tout de suite empressé de refuser.

Finalement, personne n’en voulait à ses bagages, ces douaniers les avaient oubliés dans leur tentative vaine de corrompre mon ami. C'est ainsi que nos chers douaniers africains se sont fait prendre à leur propre jeu par des jeunes gens en provenance du Canada. C'est l'histoire du voleur volé ou comme on dirait chez nous, du doubleur doublé.

 

 

 

 

 

 

 

 

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