Le handicapé

Mesdames, je sais que je ne parle pas souvent de vous mais, ne soyez pas jalouses parce que je ne cesse de parler des hommes, de nos hommes. C'est peut-être un trop-plein d'amour à leur égard ou simplement parce que sous mon corps de femme se cache une âme masculine. Peu importe la raison, ne vous en faites pas. Un jour, votre tour viendra.

Aujourd'hui, tout comme dans Vive la polygamie et/ou l'infidélité, je voudrais rendre un vibrant hommage à nos compagnons de vie. Oui, je voudrais te rendre hommage, toi, l'homme africain, l'étalon noir, cet homme digne des savanes ancestrales africaines. Cet homme robuste et fier. Ce baobab imposant, connu pour sa frivolité, son adultère, ses capacités de dédoublement et ses talents multiples qui transcendent les frontières de notre continent mais, qui est particulièrement reconnu pour sa propension à se muter en handicapé lorsqu'il passe de l'état de célibataire à homme marié ou en couple.

Mesdames, n'avez-vous pas remarqué, pour celles qui ont rencontré leur amoureux à l'étranger en particulier, que ce dernier vivait soit seul ou en colocation et qu'il vivait très bien, de façon tout à fait autonome ? Laquelle d'entre vous a rencontré un affamé, aux vêtements sales et déchirés, vivant sous un pont ? Aucune, n'est-ce pas ?! Même pour mes soeurs qui ont immigré avec leurs conjoints, c'est la même chose.

Néanmoins, il est évident qu'à notre contact, ils s'améliorent. Nous les nettoyons, les ajustons à nos besoins, à notre style de vie. C'est un peu comme une femme enceinte qui a 9 mois pour corriger tous les défauts de la graine semée en elle. Généralement, nous faisons d'eux de meilleures personnes.

Contrairement au pays, ici, à moins d'être plein aux as, il n'y a ni Akissi la bonne, ni Fousséni le gardien, encore moins Fatou la nounou. Que vous soyez homme ou femme, chacun se débrouille du mieux qu'il peut pour survivre dans cette jungle occidentale. Très souvent, la plupart des jeunes gens que j'ai rencontrés sont venus à l'aventure seuls, entre amis ou en famille pour poursuivre leurs études. J'ai bien dit la plupart parce qu'il y a ceux qui étudient et ceux dont la profession est "chercheur". Ils cherchent quoi ? Je ne sais pas. Vous, vous le savez  alors nous nous comprenons.

Lors de mes premières vacances Ô Canada (je n'y vivais pas encore), j'ai fait la connaissance d'un grand frère par le biais de mon cousin. Candidement, je lui ai demandé ce qu'il faisait là puisqu'il vivait dans ce magnifique pays depuis au moins une quinzaine d'années. En fait, c'est en toute naïveté que je lui faisais la conversation et il était normal que je démontre un semblant d'intérêt à son égard. Sa réponse fut très évasive et dans un mode simple : sujet + verbe + complément, sans plus. Une fois que cet hôte d'un soir nous eûmes quitté, mon cousin est venu me dire :

- Je t'ai entendu demander à mon ami ce qu'il faisait ici comme activité. Mais, tu sais ma chérie, à l'étranger on ne demande à personne ce qu'il fait. Chacun fait ce qu'il peut, comme il peut. Chacun se cherche !

Donc, vous comprenez maintenant pourquoi je ne vais parler que d'une certaine catégorie d'immigrants. J'ai constaté que durant leur cursus scolaire, voire universitaire, ces jeunes hommes faisaient le ménage, leur propre lessive, l'épicerie et même la cuisine. C'est sûr que les débuts en cuisine sont généralement laborieux. Mais, après avoir mangé du riz "baka" (en bouillie) à maintes reprises, ils finissent par comprendre qu'il faut mettre moins d'eau lors de la cuisson. Ils apprennent également que la viande de bœuf en cube que l'on utilise pour nos sauces ne cuit pas en 15 mn mais qu'il faut quelques heures avant que celle-ci ne s'attendrisse et bien sûr, il faut que le tout ait longtemps mijoté.

Enfin, ils prennent conscience qu'une alimentation riche et variée fait du bien au moral, mais aussi au transit intestinal. Quand ils mangent des pâtes tous les jours, ça les bouche, ça les dégoûte et la simple odeur d'une sauce tomate leur lève le cœur.

Quant au ménage, ils ont bien compris que ce qu'ils laissent à une place ne fera que deux choses: rester statique et prendre la poussière. Personne d'autre ne passera le balai, aucune assiette dans l'évier ne se lavera seule. Aucune poubelle n'ira se suicider en se jetant elle-même dans la benne à ordure. La salle de bain finira par devenir une "sale" de bain. Les affaires entassées pêle-mêle demeureront à jamais dans cet état tant et aussi longtemps qu'ils ne décolleront pas leur "steak" du canapé (pour rester polie) et faire leur ménage.

En ce qui concerne leur linge, la prise de conscience prend souvent plus de temps. Après avoir accumulé leurs habits propres et sales par terre ou dans leur placard, seule la technique canine par reniflement leur permettra de savoir ce qui est très sale, assez sale, sale, un peu propre, propre ou très propre. Je m'abstiendrai de rentrer dans les détails au sujet des chaussettes et des caleçons. Merci de votre compréhension.

Malgré tout, cet homme-là, celui dont la mère, la véritable femme africaine n'a jamais cessé de lui répéter dès son plus jeune âge que les garçons n'ont rien à faire à la cuisine, arrive à survivre. Ses approches sont parfois douteuses et peu orthodoxes, mais il s'en sort quand même. Alors, comment est-ce que cet individu change du tout au tout dès qu'il cohabite avec sa douce moitié ?

Comment se fait-il qu'il connaisse toutes les pièces de leur petit nid d'amour sauf la cuisine ? Euh non... Il connaît la route du frigo. Mais c'est tout ! Nombreux sont ceux qui possèdent des lave-vaisselle, mais nombreux également sont ceux qui laissent systématiquement leurs assiettes sur la table à manger, le comptoir de cuisine ou dans l'évier, espérant sans complexe que leur bonne à tout faire de conjointe repassera derrière. Néanmoins, lorsque leurs femmes ont de la chance, ils rangent leurs assiettes sans les rincer au préalable. Mais devinez qui est-ce qui devra s'en charger ?

Dans le passé, ces conjoints de la 5ème dimension ne voyaient aucun problème à mettre un pantalon ou une chemise x nombres de fois grâce à leur technique canine. Maintenant, une fois c'est trop leur demander et n'espérez pas voir leurs vêtements sales dans le panier à linge. Non ! Ils les entassent, les accumulent sur la chaise de votre chambre. Parfois, les habits lavés et repassés sont mêlés aux autres et par souci d'équité, de solidarité envers les autres vêtements là depuis des lustres, ils sont tous remis au sale.

Quant à la salle de bain, j'ai entendu quelqu'un (au masculin) dire que puisqu'il se lavait en mettant du savon partout et en se rinçant abondamment, eh bien, c'était comme si la douche prenait, elle aussi, une douche (?). Un dessin, svp !

En plus, ne rêvez pas d'un dîner romantique aux chandelles concocté par Monsieur. Remarquez que le verbe employé ici est rêver. Ce n'est pas le fruit du hasard, car même si vous rentrez à minuit, il vous attendra le ventre vide, télécommande à la main, se plaignant de l'heure tardive à laquelle vous rentrez, mais surtout du fait que vous n'aviez rien prévu à manger pour lui, alors que vous saviez très bien que vous alliez rentrer tard.

Je vous passerais le couplet sur les enfants parce que peu importe le nombre d'enfants que vous avez, faites + 1,5 à ce chiffre et sachez que c'est lui, le pire de tous !

Ne voyez dans ces propos aucune connotation "hommephobe", compte tenu des circonstances où toute ressemblance n'est pas pure coïncidence.